Rien de plus curieux que cette évolution contemporaine de la peinture de paysage. Cette manière de prendre la partie pour le tout, le brin pour le pré, la tige pour la botte, l’aiguille pour le pin, la foret tout entière! Car c’est une façon d’y revenir, à la nature, cette célébration d’un plan végétal en pleine et haute page, sans la moindre prise en compte du lieux, de l’espace où il s’inscrit. Le fait végétal pour lui-même, purement et simplement, frontalement, débouchant sur une curiosité, un plaisir insatiable pour le monde. Dans les tableaux de Philippe Monod, les tiges souples et pointues, les dentelles vertes des ramures s’entrecroisent et se chevauchent en rangs serrés, tricotés à grands et à petits traits par le pastel gras, les pigments colorés. Des oeuvres tout à la fois abstraites et concrètes, où la vérité particulière du végétal imprègne le pastel de son poids de sensations variées puis laisse parler l’ensemble en textures denses et mouvantes, palpitant de lumière, de couleurs, bougeant sous le souffle de l’air. En définitive et pour les grands formats, des harmonies remarquables, tantôt claires et fondues, tantôt chaudes et contrastées, toujours intrigantes dans le double jeux qui les mène de la peinture à l’écriture, de l’écriture à la peinture.
Danièle Gillemon
ARTS PLASTIQUE
9 juin 2010
Mélangeant désormais les techniques, l’acrylique avec adjonction de pigments, les pastels maigres et gras et même les couleurs aux reflets argentés, le peintre suisse Philippe Monod (1954) accorde une importance accrue aux vibrations matiéristes qui rendent plus vivantes encore ses évocations de champs d’herbe et de fleurs. En insistant aussi sur le mouvement dans ces plans raprochés traités dans un all over envahissant toute la toile, il rend perceptible des sensations et renforce considérablement l’impression d’être physiquement en présence de ce morceau choisi de la nature. A tel point que l’on ressent la brise légère par laquelle ondoient ces plantes sauvages et qu’il distille ainsi une forme de bien être dans un plaisir que l’on partage grâce à l’ambiance de ces oeuvres.
Et c’est certainement parce que l’artiste, loin de tout réalisme ou naturalisme, s’accorde toutes les libertés d’interprétation que l’on peut vivre avec cette belle intensité ce rapport à la fois à l’art et à la nature représentée. Si les grands formats sont magistraux dans une sorte d’épanouissement presque sensuel, les peintures plus modestes témoignent d’une tentation à l’abstraction pour ne retenir justement que l’invisible qui traverse ces images, un souffle de vent, une clareté, un rayon de soleil…
Quelques toiles dans les nuances bleus légers mais avec des accents chromatiques les plus divers, étrangers à toutes références naturelle, possible approches marines, ne retiennent d’ailleurs que des évocations abstraites, de miroitements comme des vagues de propagation d’une énergie vitale.
Claude Laurent
ARTS LIBRE Supplément à la libre Belgique
Semaine du 11 au 17 juin 2010