Énigmes et sensations, dans un océan de couleurs
Déclinées dans une gestualité impressionniste éminente, des milliers de touches de couleurs, tant de nuances infiniment maîtrisées, amplifiant ou tamisant une lumière native, semblent tenir de la magie de l’alchimie. Pour sa quatrième participation personnelle à la galerie Ditesheim, à Neuchâtel, Philippe Monod, artiste vaudois de renommée internationale, dévoile à travers une captivante série de 30 pastels une nouvelle étape, plus intime et plus sereine, de son parcours artistique.
Par la juxtaposition de ponctuations chromatiques, particulièrement vives et stimulantes, la peinture est ici à l’état pur, bien qu’il s’agisse exclusivement de réalisations au pastel. Libérant la couleur jusqu’à une autonomie totale, l’artiste encourage la dissolution des formes, prêtant une sorte de tension visuelle hypnotique à l’œuvre, qui frôle l’abstraction. De part leur forme quelque peu figurée, il n’en reste pourtant pas moins les soupçons d’un paysage aperçu. Ainsi après l’idée, l’envie et le goût, ce fourmillement pictural semble faire naître chez le spectateur l’illusion et les sensations d’une nature suggérée, comme pour conduire l’esprit là où les yeux ne peuvent le faire.
Enchevêtrement, superposition, croisements de petits tracés, serrés et denses, qui pourtant conservent leur éclat propre, invitent le spectateur, ébloui par ce jet de lumière vive, à traverser cet océan de couleurs, à plonger son regard sous chaque strate, chaque brindille afin d’y découvrir les plus profondément enfouies. Parfois scintillantes de lumière, parfois creusant la surface du papier, les touches de pastel tourbillonnantes semblent nous montrer un incessant, et à la fois oscillant, aller-retour entre intérieur et extérieur. La toile semble être l’entre-deux de l’homme et du monde, comme si l’artiste cherchait à faire transparaître l’immatériel dans ses œuvres, telle la capture des grains de lumière frissonnants à la surface de l’eau ou de l’air, ou des éclats de traces végétales pourtant discrètes et indécises, qui se balance au gré du souffle de la brise…
Peintre des frémissements du monde, Philippe Monod s’attache au rendu parfait de la beauté des sensations cosmiques dans les couleurs capricieuses de la lumière, consacrant à la fois l’évanescence et la plénitude de l’instant.
Séverine Cattin
Culture L’EXPRESS – L’IMPARTIAL 1er octobre 2007